Connaître des gros mots en éducation canine
- Ingrid Mulson
- 17 mai
- 7 min de lecture
Ces mots déclenchent autant de désinvolture que de passion. Leurs définitions sont parfois fourvoyées pour laisser place à des perceptions subjectives, dues souvent à des associations malencontreuses.
⚠️ Les définitions citées entre guillemets proviennent du Larousse.fr
Et votre chien dans tout ça ?

On a tendance à édulcorer la perception en changeant les termes, par exemple « signal » se substitue à « ordre ».
On a tendance à répudier l’idée même que ces mots aient leur place dans l’éducation canine.
On a tendance à favoriser l’idée de compromis, niant par moments la réalité des comportements et de leurs mises en place, désavouant nos propres comportements d’humains.
Ces mots sont devenus les drapeaux rouges pour repérer un professionnel qui œuvre pour l’empire du mal.
Pour autant, tant d’exemples trahissent que tout un chacun, même ceux que ces mots débectent, pratique les définitions citées.
Autorité
« 1. Pouvoir de décider ou de commander, d'imposer ses volontés à autrui »
Votre premier pas dans l’autorité est quand vous avez décrété que ce chien-là sera membre de votre foyer. Vous avez influencé sa vie en lui imposant de venir vivre chez vous, vous dispensant de sa volonté. Il est possible que vous ayez fait un test chez vous. Ceci étant, qui l’a choisi au départ ? À moins qu’il se soit présenté chez vous, après vous avoir observé et suivi régulièrement, vous avez pris une décision sans le consulter.
Une fois dans votre vie, vous décidez pour d’autres aspects : où et quand il mange, ce qu’il mange, où il sort, quand il sort, s’il monte sur la table quand vous mangez.
La flexibilité dans l’autorité n’est pas une faiblesse. Elle peut être bénéfique si par exemple votre chien est malade et qu’il n’est pas « capricieux » face à sa gamelle ; s’il est souffrant et refuse de se promener ; si votre chien préfère se balader d’un côté parce que les odeurs y sont plus intéressantes et qu’il est anxieux parce que votre chemin implique de passer devant une maison avec des chiens qui lui aboient dessus et l’effraient.
Cadre
« 5. Ce qui borne, limite l'action de quelqu'un, de quelque chose ; ce qui circonscrit un sujet »
Révéler les limites des comportements que vous attendez de votre chien, de ce qui lui est possible de faire ou de s’abstenir de faire, c’est avant tout le guider pour s’insérer au mieux.
Un cadre est défini par des « frontières ». Il résulte d’apprentissages, de communication, d’échanges, avec votre chien. Il n’est pas déterminé par votre façon agréable ou désagréable de l’établir.
Dans le cadre que vous imposez à votre chien peut se trouver : ne pas sauter sur les personnes âgées qui nous rendent visite, attendre le signal verbal du maître avant de traverser la rue, demeurer dans l’enceinte du jardin et laisser les poules du voisin vivre, etc.
Tous ces comportements, toutes ces limites, vous pouvez tout à fait les enseigner à votre chien en utilisant la douceur et la récompense, en communiquant sans brutalité verbale ou physique.
Contrôle
3. Action, fait de contrôler quelque chose, un groupe, d'avoir le pouvoir de les diriger »
Il y a d’un côté ce que la loi exige des propriétaires de chien : qu’ils aient le contrôle de leur animal.
Il y a d’un autre côté ce que la réalité requiert des humains, et, ce qui est de fait.
Que signifie avoir le contrôle de son animal ? Qu’il ne représente pas un danger pour autrui et revienne vers son maître lorsque celui-ci le rappel.
L’idée même de contrôler votre ami à quatre pattes vous rebute ? Enlevez la laisse, laissez-lui l’accès à la porte quand il l’entend (en installant un chientière par exemple). La problématique est que le simple fait d’enseigner des comportements à votre chien, d’établir des limites afin qu’il s’intègre au mieux dans votre vie, est déjà du contrôle.
Par contre, vous pouvez lui accordez des moments où il prend le « pouvoir » sur des éléments de sa vie : il choisit ce qu’il mange en indiquant sa préférence, il opte pour les chemins qui lui plaisent en promenade, il exprime son besoin d’arrêt ou son acceptation pendant un soin, il bénéficie de plusieurs lieux de couchage.
Discipline
« 1. Branche de la connaissance pouvant donner matière à un enseignement
3. Aptitude de quelqu'un à obéir à ces règles
4. Obéissance, soumission aux règles que s'est données le groupe auquel on appartient »
Votre chien peut participer à plusieurs disciplines, à plusieurs activités que vous pouvez partager avec lui : agility, mantrailing, dog parkour, proprioception, randonnée, etc.
Ces disciplines requièrent que vous et votre chien vous vous astreignez à une certain discipline : il n’est possible de les pratiquer sereinement, sans blessures, que si tous deux êtes en harmonie avec les règles établies et en symbiose l’un avec l’autre, à l’écoute l’un de l’autre. La réciprocité est de rigueur pour que chacun y prenne plaisir.
La discipline dont votre chien fera preuve à exécuter vos ordres sur signal dépend de ses apprentissages, du renforcement des comportements attendus, du respect d’étapes dans les apprentissages, de son état émotionnel, de sa santé. Tout comme vous et moi, votre chien peut être agité par des distractions extérieures ou des perturbations intérieures.
Fermeté
« 3. Qualité de quelqu'un, de son comportement qui a de la force intellectuelle ou morale
4. Attitude de rigueur, excluant la faiblesse, à l'égard des autres »
Trop souvent, j’entends la fermeté être associée à la dureté. Je ne perçois pas la fermeté traduite par de la raideur dans le corps ou de la sécheresse dans la voix. Les capacités auditives de votre chien lui permettent de percevoir des sons jusqu’à 50.000 hertz environ (tandis que vous et moi arrivons à les percevoir jusqu’à 16.000 hertz). À moins que son audition diminue significativement (et encore, dans ce cas, je vous conseille d’opter davantage pour les signaux gestuels qu’une voix plus forte), votre chien vous entend parfaitement.
Pour moi, la fermeté est plus liée à la discipline dont vous faites preuve avec vous-même : êtes-vous constant et cohérent dans vos demandes ? J’assiste parfois à des scènes où les humains s’agacent que leur chien refuse ou prend son temps avant d’exécuter un ordre. Dans ce cas, ils élèvent la voix, leur intonation devient plus sévère. Ils obtiennent parfois, temporairement, que leur chien se soumette. Ou alors, ils répètent et répètent et répètent et répètent et… laissant potentiellement leur chien insensible, entendant mais n’écoutant pas.
Personnellement, quand j’estime que la situation requiert que je négocie pas quant au fait que le chien accomplisse un comportement, je vais : le mettre en situation « facile » (selon son état émotionnel et de santé, ainsi que selon les distractions environnantes) ; ne pas me contredire d’un jour à l’autre ; m’assurer qu’il comprend ce que j’attends de lui ; patienter qu’il effectue le comportement et le renforcer pour que ma demande ne perde pas de valeur.
Par exemple, si je décide qu’une mare est impropre à se baigner, je ne céderai pas malgré la « bouille trop mimi » du chien. Soit je le rattache le temps de dépasser la mare, soit j’enseigne un rappel et une marche à proximité, soit je trouve d’autres stratégies selon le chien pour que la mare perde de son intérêt. Je ne vais pas hurler sur un chien pour lequel j’ai conscience que cette mare équivaut à du chocolat pour moi.
Obéissance
« Action ou habitude d'obéir, de faire ce qui est commandé »
Désolée de contredire vos éventuelles croyances, mais votre chien n’obéit pas pour vos beaux yeux ou juste parce que vous lui avez dit de faire quelque chose comme lorsque vous appuyez sur le bouton de la cafetière.
Pour que votre chien « obéisse », il a besoin : de comprendre votre demande, de l’avoir vue répétée, que ses comportements associés aient été renforcés, que votre demande ait été généralisée à divers contextes, qu’il soit en aptitude de la mettre en pratique (il peut être physiquement difficile pour un chien âgé de garder une position pendant un laps de temps), qu’elle soit constante et cohérente (qu’il ne soit pas incité un jour à prendre à manger de votre main quand vous mangez et que le lendemain vous le réprimandiez d’être près de vous).
Ordre
« 1. Acte par lequel une autorité supérieure manifeste sa volonté à l'égard de quelqu'un, d'un groupe
8. Respect des lois et des règlements qui maintiennent la stabilité d'un groupe »
Pour la première définition, j’ai personnellement tendance à substituer « ordre » par « signal ». J’émets une demande, soit verbale, soit gestuelle, soit les deux (j’évite qu’elles soient simultanée pour ne pas me pénaliser à l’avenir parce que le chien considèrerait ma demande valable uniquement si j’émets les deux en même temps). Il se peut que selon le contexte le chien ne réponde pas positivement à ma demande : il refuse de s’asseoir parce qu’il a des douleurs, il refuse de venir à moi parce que je suis près d’un élément qui l’effraie. Je ne suis ni son « patron », ni son « général ». Ses refus sont des informations à prendre en compte. Il y a cependant des contextes dans lesquels je ne suis pas prête à négocier son obéissance. S’il est alors susceptible de ne pas se soumettre à ma demande, je vais gérer la situation moi-même plutôt que de le mettre en échec ou que ma demande perde de sa valeur. Cela peut être par exemple si je lui demande de laisser (se détourner) d’un morceau de nourriture dans la rue ; si je sais qu’il va échouer, volontairement ou non, plutôt que de décider de réagir avec hostilité à une situation que j’aurais laissé se produire, je vais le diriger plus à l’écart pour qu’il n’ait même pas l’opportunité d’accéder à la nourriture.
Pour la seconde définition affichée, je dirais qu’elle est valable autant pour le chien que les humains avec lesquels il vit. Des humains qui se contredisent eux-mêmes, qui se contredisent entre eux, dont les comportements sont inconstants et/ou incohérents, inspirent peu les chiens à se comporter autrement que selon leur propre perception.
Règle
« 1. Prescription, de l'ordre de la pensée ou de l'action, qui s'impose à quelqu'un dans un cas donné »
Nous vivons tous, nous autres les humains, en suivant des règles. Nous les entravons parfois légèrement (par exemple, continuer à rouler alors que le feu est passé à l’orange) et parfois grandement (par exemple, en doublant un autre véhicule alors que la bande au milieu est continu). Nous nous rendons au travail sans garder notre tenue de nuit. Nous ne mangeons pas au restaurant avec nos pieds sur la table. Nous évitons de confondre un chat et un tigre quand nous visitons à zoo et restons à l’écart de l’enclos de ces derniers. Ces règles sont établies dans des situations, dans des contextes, pour que la vie dans un environnement où des êtres de diverses natures se côtoient soient plus simplifiées.
Concernant votre chien, certaines règles sont de votre ressort, selon votre style de vie, ce que vous souhaitez partager avec lui. D’autres règles découlent plus d’une cohabitation conviviale avec les autres humains ou chiens, ou chats ou chevaux, etc. D’autres encore vous sont tout autant imposées qu’elles le sont à votre chien.







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